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« Pourquoi un homme aurait le droit d’être carriériste et pas une femme ? »

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Manuela d'Halloy, Directrice Générale du Who's Who in France

Manuela d’Halloy, Directrice Générale du Who’s Who in France

Rencontre avec Manuela d’Halloy, directrice générale du Who’s Who in France.

Quel est votre parcours ?

Alors je suis ingénieure télécom et j’ai fait une spécialisation en Master à l’ESSEC en marketing – car je ne me voyais pas coder toute la journée (même si maintenant on encourage les femmes à coder de plus en plus) – ce qui fait que j’ai une double compétence. Puis, j’ai fait mes armes dans un grand groupe, ce que je trouve très important car l’on côtoie des gens talentueux, des métiers divers et l’on apprend beaucoup. Pendant 15 ans, j’ai ainsi travaillé chez Bouygues Telecom, au démarrage du petit opérateur en 98, jusqu’à la perturbation très forte apportée par Free qui a chahuté le marché. Un parcours assez classique : assistante chef de produit, chef de produit, chef de groupe, responsable marketing/communication, jusqu’au digital. Et au bout de tout ça, je me suis rendue compte que la vie dans les grands groupes ne correspondait plus à mon tempérament énergique, créative, et que la hiérarchie, la politique, les « process » trop longs ne me satisfaisaient plus vraiment. Je me suis donc mis à mon compte et j’ai choisi d’accompagner les petites PME dans leur stratégie marketing/digitale. J’ai ainsi pu évoluer dans des univers très différents, à la fois dans le domaine viticole, dans l’alimentaire, dans les SSII, via le bouche-à-oreille. Au bout d’un an et demi, j’ai réalisé que le monde des PME m’attirait beaucoup car ce sont des gens passionnés qui mouillent la chemise – et j’avais donc envie de rallier le comité de direction d’une entreprise comme celle-ci. C’est à cette époque que le Who’s Who est arrivé sur ma route. Cela a été une très belle rencontre avec Antoine Hébrard, son président, avec une vraie complémentarité entre nous deux. J’ai donc repris la direction générale cet été, cela fait désormais 6 mois et je suis très heureuse de tous les projets à mettre en place.

Le monde du digital et vous, c’était une évidence ?

Après 10 ans de marketing pur, je me suis dit que les directeurs marketing de demain étaient les community manager d’aujourd’hui. C’était donc une évidence pour moi de faire la démarche auprès de mes ressources humaines afin de créer mes opportunités et me former dans cet univers. C’est incontournable aujourd’hui d’avoir un sens technologique et une certaine appétence pour ce qui se passe sur le web.

Vous êtes une entrepreneuse dans le secteur marketing et digital, quelle est selon la situation de l’entrepreneuriat féminin en France ?

J’ai l’impression tout de même que l’entrepreneuriat permet davantage aux femmes de se lancer. Dans les grands groupes, il peut y avoir certains blocages, des histoires de quotas, cette compétition hommes/femmes omniprésente…  On en était presque arrivé à un stade où lorsque l’on était promues on se demandait si c’était parce que l’on était une femme. C’était compliqué. Après, personnellement, j’ai toujours défendu la progression des femmes, j’ai monté le réseau féminin de Bouygues Telecom et j’ai beaucoup accompagné des jeunes femmes, via ma formation de coaching, pendant leur période de congé maternité. On sait pertinemment que le problème des femmes ne vient pas de leurs talents mais de leur manque de confiance, elles n’osent pas, et je trouve que l’entrepreneuriat permet justement aux femmes d’assumer de plus en plus. Quand j’ai entrepris ma société, beaucoup de femmes de Bouygues Telecom m’ont contacté pour me demander : comment ça marche ? Est-ce que c’est dur ? Comment te retrouves-tu face aux hommes ? Et cette petite solidarité féminine, assez récente dans le monde professionnel est assez encourageante. Il y a un certain envol et l’entrepreneuriat permet cela.

Quelles sont les difficultés rencontrées par les femmes entrepreneures ?

Bien sûr que c’est compliqué, bien sûr que nous avons 3 vies, bien sûr qu’en congé maternité on perd un peu de son salaire, etc. mais personnellement, je ne me suis jamais accaparée sur mon sort ; j’ai eu 3 enfants, dont des jumeaux, donc deux congés maternité qui ont freiné mon expansion dans mon entreprise. Mais je n’ai pas hésité à le revendiquer aussi, à dire voilà, si j’avais été un homme, pendant mon congé maternité, il se serait passé ça. Personnellement, je trouve que les entreprises – à partir du moment où elles voient que vous n’êtes pas dans la revendication, que vous êtes juste dans la démonstration : voilà ce que je vaux, voilà ce que j’ai apporté à la société, voilà ce que j’aimerais faire – sont relativement réceptives. Ce qui est parfois difficile ce sont les femmes avec elles-mêmes. Pour ma part, j’ai pu être jugée comme carriériste, allant de l’avant, et donc, « so what ? », l’essentiel est d’assumer. L’idée est surtout de ne pas écraser les autres et de ne pas aller à l’encontre de ses valeurs. Pourquoi un homme aurait le droit d’être carriériste et pas une femme ? La vraie règle pour les femmes c’est surtout de comprendre qui vous êtes, ce dont vous avez envie et de l’assumer.

Votre nomination, votre parcours dément l’existence du plafond de verre, les femmes sont-elles des managers, dirigeantes différentes des hommes d’après vous ?

Je n’ai pas l’impression, je pense que tout ça est beaucoup plus lié à la nature humaine. J’ai été élevé avec trois frères, seule fille, donc j’ai peut-être une volonté assez forte, des comportements un peu « masculins » dans ma façon d’être, ce n’est donc pas tellement lié au fait d’être une femme ou un homme. Peut-être davantage du côté de l’intelligence émotionnelle, les femmes vont peut-être plus prendre en compte l’humain. Mais globalement, je ne trouve pas qu’il y ait des différences hommes/femmes. Il y en a qui soulignent que les sociétés tenues par des femmes « performent » plus mais je ne suis pas sûre que cela soit corrélé à la femme elle-même. Je pense que c’est plutôt lié à l’élargissement de la promotion des talents qui a pour conséquence que l’on fait monter des individus meilleurs à la tête de l’entreprise. La ségrégation homme/femme ne devrait plus exister.

Dans la 61ème édition du « Who’Who » on compte désormais 23% de femmes, quelles sont vos ambitions pour la suite ?

Cela ne fait que progresser. En moyenne aujourd’hui, nous sommes à 20% de femmes dans le Who’Who. Mais je ne suis pas là pour faire de la discrimination positive envers les femmes. Le Who’s Who c’est avant tout le reflet des meilleurs talents et savoir-faire français, je ne prendrais donc pas plus une femme qu’un homme, il s’agit surtout des meilleur(e)s. En revanche, j’ai une vraie volonté que les femmes soient bien représentées dans le Who’s Who, qui doit être le miroir de la France active. Maintenant, ce que je vois, c’est que le fait d’être une femme à la direction générale du Who’s Who, peut dans une certaine mesure décomplexer les femmes auxquelles nous proposons de figurer dans celui-ci. Je fais également partie de réseaux de femmes et de fait, forcément, mon arrivée dans cette entreprise va ouvrir les portes aux femmes qui pourraient se sentir davantage accueillies. Ce qui est intéressant c’est que souvent lorsque nous proposons aux femmes de rentrer dans le Who’s Who, elles nous répondent qu’elles souhaitent aussi que leurs pairs, ou une autre personne soit aussi invité à entrer avec elles. Elles sont donc dans l’intelligence collaborative et ne désirent pas s’accaparer la vedette, et donc c’est à nous de leur dire : mais non, c’est vous qui êtes à la tête de cette entreprise et c’est donc vous que nous souhaitons mettre en valeur. (…) Les hommes se posent moins que question, même s’il y en quand même certains qui ont le même type de réactions. Il faut d’ailleurs bien noter qu’entrer dans le Who’s Who est évidemment gratuit, c’est la garanti de la crédibilité de notre dictionnaire.

L’autre impulsion que je souhaite donner, c’est de faire davantage rayonner les femmes dans la communauté du Who’s Who. Nous avons notamment une newsletter grâce à laquelle les membres peuvent communiquer auprès de 50 000 leaders d’opinion, et aujourd’hui, nous ne recevons que des chroniques d’hommes. Mon rôle aussi est d’aller chercher des femmes et de leur proposer d’être mises en valeur autant que les hommes pour que nous soyons à 50/50.

Ces 23% de femmes présentes dans le Who’s Who représentent-elles des secteurs d’activités spécifiques ?

C’est exactement la même diversité. Les femmes n’ont pas plus de talents dans certains secteurs et moins dans d’autres. On voit que les 23% de femmes qui sont rentrées sont dans tous les secteurs, à la fois présidentes d’entreprises, de start-up, des chercheures, des scientifiques, des artisans – comme une brodeuse d’or, quasiment seule en France – mais également des avocates, des sportives, des comédiennes, etc. C’est ce qui fait la force du Who’s Who qui n’a pas d’équivalence sur le marché. Nous pouvons voir la place des femmes dans toute son immensité, nous ne sommes pas mono secteur, c’est ce qui est passionnant. J’essaye d’ailleurs, via les réseaux féminins, de faire découvrir ces « role models » auprès des jeunes générations qui ne connaissent pas le Who’s Who. Ma vocation est d’aller évangéliser, de montrer qu’il n’y a pas de métiers tabous pour elles et que les femmes ont du talent dans tous les secteurs.

 

Propos recueillis par Marion Braizaz

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